L’expatriation entre la France et le Royaume-Uni représente aujourd’hui l’une des mobilités internationales les plus courantes en Europe, avec plus de 400 000 Français installés outre-Manche et environ 150 000 Britanniques résidant en France. Cette mobilité croissante soulève des questions fiscales complexes, notamment depuis le Brexit qui a modifié certains mécanismes d’imposition transfrontalière. Les différences fondamentales entre les systèmes fiscaux français et britannique impactent directement les décisions d’expatriation, que ce soit pour des raisons professionnelles, entrepreneuriales ou patrimoniales. Comprendre ces divergences devient essentiel pour optimiser sa situation fiscale tout en respectant les obligations légales des deux pays.
Système fiscal britannique : income tax, national insurance et council tax pour les résidents français
Le système fiscal britannique se distingue par sa simplicité relative et son approche pragmatique de l’imposition. Contrairement au système français, l’imposition britannique repose sur des mécanismes automatisés comme le PAYE (Pay As You Earn) qui prélève l’impôt directement à la source. Cette méthode évite aux contribuables la complexité des déclarations annuelles obligatoires, sauf dans des cas spécifiques nécessitant une Self Assessment. L’année fiscale britannique s’étend du 6 avril au 5 avril de l’année suivante, créant un décalage avec l’année civile française.
Tranches d’imposition progressives PAYE et calcul du personal allowance
L’Income Tax britannique applique un barème progressif avec une franchise personnelle (Personal Allowance) de £12 570 pour l’année fiscale 2024-2025. Cette exonération représente un avantage substantiel comparé au seuil français de 10 777 €. Les tranches d’imposition s’établissent à 20% entre £12 571 et £50 270, 40% entre £50 271 et £125 140, puis 45% au-delà. Le système PAYE calcule automatiquement l’impôt mensuel en fonction du code fiscal attribué à chaque contribuable, tenant compte de sa situation personnelle et professionnelle.
Le Personal Allowance subit une réduction progressive pour les revenus dépassant £100 000, disparaissant complètement à £125 140. Cette particularité crée un taux marginal effectif de 60% entre £100 000 et £125 140, un piège fiscal souvent méconnu des expatriés français. L’optimisation de cette tranche nécessite une planification minutieuse, notamment par le biais de contributions aux pensions ou d’autres véhicules d’épargne fiscalement avantageux.
Cotisations national insurance classes 1, 2 et 4 selon le statut professionnel
Les cotisations National Insurance constituent l’équivalent britannique des charges sociales françaises, mais avec des taux nettement inférieurs. Pour 2024-2025, les employés payent 12% sur les revenus hebdomadaires entre £242 et £967, puis 2% au-delà. Les employeurs contribuent à hauteur de 13,8% sur les salaires dépassant £175 par semaine. Cette structure représente une charge sociale totale d’environ 25% du salaire brut, soit la moitié du taux français de 50%.
Les travailleurs indépendants relèvent des Classes 2 et 4, avec des cotisations forfaitaires de £3.45 par semaine (Classe 2) pour les profits dépassant £6 515 annuels, complétées par 9% sur les profits entre £12 570 et £50 270 (Classe 4), puis 2% au-delà. Cette différenciation selon le statut professionnel offre une flexibilité appréciable aux entrepreneurs français s’installant au Royaume-Uni.
Council tax par borough londonien et exemptions pour étudiants français
La Council Tax constitue l’impôt local britannique, variant significativement selon la localisation et la valeur du logement. À Londres, les tarifs 2024 s’échelonnent de £1 000 à £3 500 annuels selon le borough et la bande de propriété (A à H). Westminster affiche des taux particulièrement élevés (£890 pour la bande D), tandis que Wandsworth maintient des tarifs attractifs (£648 pour la même bande). Cette variation géographique influence directement le coût de la vie des expatriés français.
Les exemptions Council Tax bénéficient notamment aux étudiants français inscrits dans des établissements britanniques reconnus. Une réduction de 25% s’applique aux logements occupés par une seule personne, tandis que certaines catégories (diplomates, apprentis) jouissent d’exonérations complètes. La compréhension de ces mécanismes permet aux nouveaux résidents d’optimiser leur charge fiscale locale.
Capital gains tax sur les plus-values immobilières et financières
La Capital Gains Tax (CGT) britannique impose les plus-values selon des taux différenciés : 10% ou 20% pour les actifs financiers selon la tranche d’imposition du contribuable, et 18% ou 28% pour l’immobilier résidentiel. L’exemption annuelle (Annual Exempt Amount) de £3 000 pour 2024-2025 protège les petites plus-values. Cette franchise, bien que réduite par rapport aux années précédentes (£12 300 en 2022-2023), reste avantageuse pour les investisseurs modestes.
L’immobilier principal bénéficie de l’exonération Principal Private Residence Relief, équivalent britannique de l’exonération française sur la résidence principale. Cependant, la vente d’une résidence secondaire ou d’investissement locatif génère une obligation fiscale immédiate, nécessitant une déclaration dans les 60 jours suivant la completion. Cette contrainte temporelle diffère radicalement du système français de déclaration annuelle.
Régime fiscal français : IR, CSG-CRDS et prélèvement à la source pour les expatriés
Le système fiscal français se caractérise par sa complexité et son approche redistributive, avec des taux d’imposition parmi les plus élevés d’Europe. Depuis 2019, le prélèvement à la source a modernisé la collecte de l’impôt sur le revenu, rapprochant le système français du modèle britannique PAYE. Néanmoins, l’obligation déclarative annuelle demeure, maintenant une charge administrative significative pour les contribuables. Cette dualité crée parfois des incompréhensions chez les expatriés britanniques habitués à la simplicité du système PAYE.
Barème progressif de l’impôt sur le revenu et quotient familial
L’impôt sur le revenu français applique un barème progressif de 0% à 45% réparti sur cinq tranches, contre trois au Royaume-Uni. Le taux marginal supérieur de 45% s’applique aux revenus dépassant 168 994 €, soit un seuil inférieur au niveau britannique (£125 140). La spécificité française réside dans le système de quotient familial qui divise le revenu imposable par le nombre de parts fiscales du foyer, favorisant les familles nombreuses.
Ce mécanisme de parts fiscales (1 part pour un célibataire, 2 pour un couple marié, 0,5 part par enfant jusqu’au troisième qui vaut 1 part) peut générer des économies substantielles. Un couple avec trois enfants bénéficie ainsi de 4 parts, divisant par quatre le revenu imposable avant application du barème. Cette approche familiale contraste avec l’imposition individuelle britannique, créant des arbitrages patrimoniaux complexes pour les couples mixtes franco-britanniques.
Contribution sociale généralisée et CRDS sur revenus britanniques
La CSG-CRDS constitue l’une des principales différences entre les systèmes français et britannique, ajoutant 17,2% aux revenus du patrimoine et 9,7% aux revenus d’activité. Pour les expatriés français au Royaume-Uni, l’assujettissement dépend de leur affiliation à la sécurité sociale. Les résidents fiscaux britanniques affiliés à un régime de sécurité sociale européen (post-Brexit, cette disposition s’applique encore au Royaume-Uni) bénéficient d’un taux réduit de 7,5% sur les revenus fonciers français.
Cette différenciation crée des opportunités d’optimisation pour les expatriés français détenant un patrimoine immobilier en France. L’affiliation au système britannique de sécurité sociale permet d’échapper aux 9,7% de CSG-CRDS, ne laissant que les 7,5% de prélèvements de solidarité. Cette économie peut représenter plusieurs milliers d’euros annuels pour les propriétaires de biens locatifs français résidant au Royaume-Uni.
Déclaration 2042 et formulaires spécifiques revenus étrangers
La déclaration fiscale française impose l’usage de multiples formulaires selon la nature des revenus. Le formulaire 2042 constitue la base, complété par le 2047 pour les revenus étrangers des résidents fiscaux français. Les expatriés britanniques en France doivent déclarer leurs revenus mondiaux, incluant salaires, dividendes, intérêts et plus-values britanniques. Cette obligation contraste avec la simplicité du système PAYE britannique et nécessite souvent l’assistance d’un conseil fiscal spécialisé.
Le formulaire 2042-NR concerne spécifiquement les non-résidents percevant des revenus de source française. Les expatriés français conservant des biens locatifs ou des participations en France doivent déclarer ces revenus même en résidant au Royaume-Uni. Les déclarations dématérialisées facilitent cette démarche, mais la complexité des annexes (2044 pour les revenus fonciers, 2074 pour les plus-values) maintient une charge administrative conséquente.
Impôt sur la fortune immobilière pour patrimoine franco-britannique
L’IFI français, remplaçant l’ISF depuis 2018, s’applique aux patrimoines immobiliers nets dépassant 1,3 million d’euros. Les résidents fiscaux français doivent déclarer leur patrimoine immobilier mondial, incluant les biens britanniques. Les non-résidents ne sont assujettis que sur leurs biens français, créant un avantage significatif pour l’expatriation vers le Royaume-Uni qui n’applique aucun impôt sur la fortune équivalent.
Le calcul de l’IFI intègre les dettes déductibles, permettant d’optimiser l’assiette imposable par un endettement stratégique. Les taux progressifs (de 0,5% à 1,5%) peuvent générer une charge fiscale annuelle substantial pour les patrimoines importants. Cette différence fondamentale entre les systèmes français et britannique influence fortement les stratégies patrimoniales des grandes fortunes franco-britanniques, favorisant souvent une résidence fiscale britannique.
Convention fiscale franco-britannique et mécanismes d’évitement de double imposition
La convention fiscale franco-britannique du 19 juin 2008 demeure en vigueur malgré le Brexit, préservant les mécanismes d’évitement de double imposition entre les deux pays. Cette stabilité juridique rassure les expatriés et facilite la planification fiscale transfrontalière. La convention établit des règles claires de répartition du droit d’imposer selon la nature des revenus : les salaires sont généralement imposés dans le pays d’exercice de l’activité, les revenus immobiliers dans le pays de situation du bien, et les dividendes dans le pays de résidence du bénéficiaire avec une retenue à la source limitée à 15%.
Le mécanisme du crédit d’impôt constitue le principal outil d’élimination de la double imposition. Si un résident fiscal français perçoit des revenus immobiliers britanniques imposés au Royaume-Uni, la France doit imputer cet impôt britannique sur l’impôt français dû, dans la limite de ce dernier. Cette imputation évite la double taxation tout en préservant le principe d’imposition des revenus mondiaux pour les résidents fiscaux. La convention prévoit également des procédures amiables pour résoudre les conflits d’interprétation entre les administrations fiscales des deux pays.
La convention fiscale franco-britannique représente un rempart essentiel contre la double imposition, permettant aux expatriés de sécuriser leur situation fiscale tout en optimisant leur charge d’impôt globale.
Les règles de tie-breaker de la convention déterminent la résidence fiscale unique en cas de double résidence selon les critères nationaux. La hiérarchie s’établit ainsi : foyer d’habitation permanent, puis centre des intérêts vitaux, puis séjour habituel, et enfin nationalité. Cette grille de lecture permet aux expatriés de sécuriser leur statut fiscal et d’éviter les conflits de résidence entre les administrations française et britannique. La procédure amiable permet de trancher les cas litigieux par accord entre les autorités compétentes.
Optimisation fiscale légale : domiciliation, statut non-dom et résidence fiscale stratégique
L’optimisation fiscale légale entre la France et le Royaume-Uni repose sur une compréhension approfondie des critères de résidence fiscale et des statuts spéciaux offerts par chaque pays. Le timing de l’expatriation revêt une importance cruciale, particulièrement pour les plus-values latentes soumises à l’exit tax française. Une planification anticipée permet de minimiser l’impact fiscal tout en respectant la substance économique requise dans le pays d’accueil. Les stratégies d’optimisation doivent intégrer les évolutions réglementaires récentes, notamment la réforme du statut non-domicilié britannique prévue pour 2025.
Critères de résidence fiscale britannique selon le statutory residence test
Le Statutory Residence Test (SRT) britannique détermine la résidence fiscale selon des critères automatiques et des tests de connexion. Un individu devient automatiquement résident s’il passe 183 jours ou plus au Royaume-Uni durant une année fiscale, ou s’il dispose d’un logement britannique occupé au moins 30 jours avec moins de 91 jours de présence à l’étranger. À l’inverse, il est automatiquement non-résident s’il passe moins de 16 jours au Royaume-Uni, ou moins de 46 jours s’il n’était pas résident les trois années précédentes.
Les tests de connexion (sufficient ties) s’appliquent aux cas intermédiaires, évaluant la famille britannique, l’accommodation disponible, le travail substantiel, les jours de présence passés et les pays de résidence. Un expatrié français travaillant 40 heures
par semaine au Royaume-Uni déclenchera automatiquement la résidence fiscale, même avec moins de 183 jours de présence. Cette complexité nécessite un suivi précis des jours de présence et une documentation rigoureuse des liens avec chaque pays pour optimiser le statut fiscal.
La planification de la résidence fiscale britannique permet d’exploiter les avantages du système fiscal local tout en minimisant l’exposition à l’imposition française. Les entrepreneurs français peuvent structurer leur expatriation en établissant leur résidence britannique avant la réalisation de plus-values importantes, évitant ainsi l’exit tax française sur les gains latents. Cette stratégie requiert une substance économique réelle au Royaume-Uni, démontrable par un logement, une activité professionnelle et des liens familiaux ou sociaux significatifs.
Statut non-domiciled et remittance basis pour fortunés français
Le statut non-domicilié britannique constitue l’un des régimes fiscaux les plus attractifs au monde pour les fortunes internationales, permettant d’échapper à l’imposition britannique sur les revenus et gains étrangers non rapatriés. Ce statut s’applique aux individus dont le domicile de droit (domicile of origin) se situe hors du Royaume-Uni, indépendamment de leur résidence fiscale actuelle. Un Français né en France conserve généralement son domicile français même après des décennies de résidence britannique, sauf acquisition volontaire du domicile britannique par des actes démontrant une intention permanente de s’y installer.
La remittance basis permet aux non-domiciliés de ne payer l’impôt britannique que sur les revenus et gains étrangers effectivement rapatriés au Royaume-Uni. Cette règle s’applique automatiquement aux non-domiciliés dont les revenus étrangers non rapatriés restent inférieurs à £2 000 annuels. Au-delà, une élection explicite s’impose avec des frais annuels progressifs : £30 000 après 7 ans de résidence britannique sur 9 années, puis £60 000 après 12 ans sur 14 années. Ces frais substantiels réservent de facto ce régime aux contribuables fortunés disposant de revenus étrangers importants.
Cependant, la réforme annoncée pour avril 2025 transformera radicalement ce paysage fiscal. Le nouveau régime « Foreign Income and Gains » (FIG) remplacera la remittance basis par une exonération temporaire de 4 ans sur les revenus étrangers pour les nouveaux résidents britanniques. Cette modification vise à simplifier le système tout en maintenant l’attractivité du Royaume-Uni pour les talents internationaux. Les non-domiciliés actuels bénéficieront d’une période de transition jusqu’en avril 2027 pour ajuster leurs structures patrimoniales.
Exit tax français et plus-values latentes lors de l’expatriation
L’exit tax française constitue un mécanisme anti-évasion imposant les plus-values latentes lors du transfert de résidence fiscale hors de France. Ce dispositif s’applique aux participations substantielles (détention directe ou indirecte d’au moins 50% des droits dans les bénéfices sociaux) ou aux participations valorisées à plus de 800 000 €. L’imposition immédiate peut atteindre 30% de la plus-value latente, représentant un coût prohibitif pour de nombreux entrepreneurs souhaitant s’expatrier.
Le sursis de paiement offre une solution en différant l’imposition jusqu’à la cession effective des titres, le retour en France ou l’expiration d’un délai de grâce (2 ans pour les plus-values inférieures à 2,57 M€, 5 ans au-delà). Pour les expatriations vers le Royaume-Uni, le sursis s’applique automatiquement grâce aux accords d’assistance mutuelle, évitant la constitution de garanties. Cette protection permet aux entrepreneurs de s’installer outre-Manche sans décaissement fiscal immédiat, préservant leur trésorerie pour développer leurs activités britanniques.
La stratégie d’optimisation consiste à céder partiellement les participations avant l’expatriation pour réduire l’assiette de l’exit tax, puis compléter la cession après établissement de la résidence britannique. Cette approche séquencée minimise l’impact fiscal français tout en bénéficiant des taux avantageux britanniques sur les plus-values (10% pour l’entrepreneur relief, 20% en taux normal). L’anticipation reste cruciale car l’exit tax s’applique dès le transfert de résidence, indépendamment de la date de cession.
Implications pratiques pour entrepreneurs français : auto-entrepreneur vs sole trader
La transition du statut d’auto-entrepreneur français vers le système britannique révèle des différences fondamentales dans l’approche de l’entrepreneuriat individuel. Au Royaume-Uni, le statut de sole trader correspond grossièrement à l’auto-entrepreneur français, mais avec des seuils et obligations distinctes. Un sole trader britannique bénéficie d’une franchise de TVA jusqu’à £85 000 de chiffre d’affaires annuel, soit un seuil nettement supérieur aux 36 800 € français (services) ou 176 200 € (vente de marchandises).
La comptabilité britannique privilégie la simplicité avec des obligations allégées pour les petites entreprises. Un sole trader doit uniquement tenir des registres de recettes et dépenses, sans obligation de facturation complexe ou de déclaration mensuelle/trimestrielle comme en France. La déclaration annuelle Self Assessment suffit, accompagnée du paiement de l’Income Tax et des cotisations National Insurance. Cette simplification administrative attire de nombreux entrepreneurs français lassés de la complexité bureaucratique hexagonale.
Cependant, les protections sociales diffèrent substantiellement entre les deux systèmes. L’auto-entrepreneur français cotise pour la retraite, l’assurance maladie et les allocations familiales dans un package global, tandis que le sole trader britannique doit souvent compléter sa couverture par des assurances privées. La State Pension britannique, bien que plus généreuse que la retraite de base française, nécessite 35 années de cotisations pour le montant maximal. Les entrepreneurs français s’expatriant doivent donc évaluer l’impact à long terme sur leurs droits sociaux et envisager des cotisations volontaires ou des produits d’épargne retraite complémentaires.
La progression vers une structure sociétaire présente également des nuances importantes. Au Royaume-Uni, la création d’une limited company coûte £12 et se réalise en ligne en quelques minutes, contre plusieurs centaines d’euros et une procédure plus lourde en France. Les obligations comptables britanniques restent proportionnées à la taille de l’entreprise, avec des comptes simplifiés (micro-accounts) pour les sociétés réalisant moins de £632 000 de chiffre d’affaires. Cette flexibilité facilite l’évolution statutaire des entrepreneurs selon leur développement commercial.
Planification successorale transfrontalière : droits de succession et trust britanniques
La planification successorale franco-britannique confronte deux philosophies juridiques opposées : le système français de réserve héréditaire et le modèle britannique de liberté testamentaire absolue. En France, les enfants bénéficient d’une réserve légale représentant la moitié de la succession pour un enfant, deux tiers pour deux enfants, et trois quarts pour trois enfants ou plus. Cette protection contraint la liberté de disposition du de cujus et complique l’optimisation successorale. Le Royaume-Uni, à l’inverse, permet une disposition libre et totale du patrimoine par testament, offrant une flexibilité maximale pour structurer la transmission.
Les droits de succession britanniques (Inheritance Tax) s’appliquent au taux unique de 40% sur les patrimoines dépassant £325 000, avec une exemption supplémentaire de £175 000 pour la résidence principale transmise aux descendants directs (residence nil rate band). Cette franchise totale de £500 000 par personne (£1 million pour un couple) dépasse largement les abattements français de 100 000 € par enfant. Cependant, l’absence de barème progressif pénalise les patrimoines moyens-supérieurs comparativement au système français échelonné de 5% à 45%.
Les trusts britanniques constituent l’outil privilégié d’optimisation successorale transfrontalière, permettant de séparer la propriété légale (trustee) de la jouissance économique (bénéficiaires). Cette structure, reconnue par la convention de La Haye mais non par le droit français strict, crée des opportunités d’optimisation fiscale. Un résident fiscal français peut établir un trust britannique pour ses enfants résidents britanniques, bénéficiant potentiellement d’une imposition favorable selon les circonstances. La qualification fiscale française du trust reste complexe, oscillant entre transparence fiscale et interposition de personne morale selon la jurisprudence.
La double convention successorale franco-britannique évite la double imposition des transmissions transfrontalières en répartissant le droit d’imposer selon la nature des biens. Les biens immobiliers sont imposés dans l’État de situation, les biens mobiliers dans l’État de résidence du défunt. Cette répartition permet une planification anticipée par la restructuration du patrimoine selon sa localisation et sa qualification juridique. Les plus-values latentes au décès, exonérées au Royaume-Uni (stepped-up basis), restent imposables en France, créant un avantage fiscal pour les résidents britanniques détenant des actifs français appreciés.
